mercredi 30 décembre 2009

Premier Noël en Afrique !

Nous venions de passer la veillée et une partie du jour de Noël chez des amis à Cotonou. Nous avions prévu de passer les jours suivants au Togo chez d’autres volontaires Fidesco, à Kouvé exactement. Marie-Aude ayant oublié son passeport nous avons dû retourner à Dogbo pour chercher les papiers. Le passage de la frontière s’est fait sans encombre, assez rapidement, et pour un prix normal… Mais notre crochet sur Dogbo nous avait fait perdre deux heures et le soleil commençait à faiblir. L’état des routes n’est pas le même au Togo qu’au Bénin : les trous sont plus nombreux, la route est moins large. Berthille qui a pris place tout à l’arrière du véhicule commence à se plaindre d’avoir mal au ventre : sans doute les vibrations consécutives aux 5 heures de routes, du moins c’est ce que nous pensions… La nuit tombe progressivement tandis que l’état de la route commence à se détériorer… Chaque kilomètre est plus abîmé que le kilomètre précédent. Finalement au loin nous apercevons un immense bâtiment très éclairé : une usine en pleine brousse. Sans doute une cimenterie (l’architecture ressemble à celle de la cimenterie d’Onigbolo que nous connaissons à la frontière du Bénin et du Nigéria) : l’avenir nous confirmera cette impression. Une fois passé la cimenterie, l’état de la route s’améliore. Ce sont les nombreux camions chargés de ciment qui ont creusé le bitume à proximité de la cimenterie.
Berthille se plaint toujours de sa douleur au ventre, Aliénor nous prévient qu’elle pleure de temps en temps de douleur. Pourtant quand on l’interroge, elle ne se plaint pas… Il est impossible de s’arrêter sur le bord de la route pour le moment, nous continuons donc à interroger Berthille sur sa douleur, à intervalles réguliers. Trouver la voie qui mène à Kouvé en pleine nuit n’est pas simple, nous allons par chance nous y rendre facilement.
Amicie et Gaëlle nous attendent depuis plusieurs heures quand nous arrivons enfin au centre médical de Kouvé, un dispensaire tenu par des sœurs italiennes. Les enfants descendent de la voiture, heureux de se dégourdir les jambes. Seule Berthille n’est pas très joyeuse, elle a de la peine à marcher, pliée en deux par la douleur. Son teint est très pâle. Nous décidons de l’allonger sur son lit pour voir si c’est le mal du voyage. Elle veut aller aux toilettes mais n’y parvient pas… Son ventre est dur et effectivement très douloureux : elle présente en terme médicaux une défense généralisée de tout l’abdomen, en particulier du cadre iliaque droit. Elle n’a pas de fièvre. Nous demandons un premier bilan biologique (une chance que nous soyons dans un dispensaire avec un labo de garde) : il y a des signes d’inflammation sur la prise de sang et la goutte épaisse permet d’éliminer un paludisme.
Entre temps Berthille s’est endormie. Marie-Aude veut la laisser dormir et voir demain. Mais le tableau d’appendicite me paraît assez franc et d’évolution assez rapide pour que nous nous en inquiétions dès cette nuit. Il est maintenant 22H00… Il fait nuit noire, les routes du Togo ne sont pas les plus sûres à cette heure. Un médecin du centre est appelé par Amicie pour donner son avis. Pour lui il s’agit aussi d’un abdomen chirurgical qui ne peut pas être pris en charge dans la région.
Il faut réfléchir vite… Berthille va encore assez bien : elle pourrait sans doute attendre demain pour avoir l’avis d’un chirurgien, mais nous sommes à plusieurs heures dudit chirurgien… Il nous faut donc profiter qu’elle puisse encore être transportée facilement pour gagner le centre chirurgical le plus proche où nous aurons tout le loisir de voir évoluer les signes en toute sécurité puisque le chirurgien sera tout près. Un antibiotique à large spectre est administré par voie intra veineuse afin de « refroidir » le syndrome infectieux le temps du trajet. Nous optons pour le centre d’Affagnan qui est réputé. Il y aura à cet endroit un chirurgien et une radiologie.
Gaëlle, qui connaît bien la route, nous accompagnera, Berthille et moi, à Affagnan ; Marie-Aude restera avec Amicie sur Kouvé pour garder les enfants qui sont déjà couchés et dorment comme des bienheureux.
Nous prenons la route vers 23H30. En pleine journée il faut 1H00 pour aller à Affagnan. La nuit c’est différent, d’autant plus que chaque secousse de la route arrache un petit cri de douleur à Berthille. Nous roulons donc au pas, 40 Km en vitesse de pointe sur les zones les moins abîmées… Nous allons mettre presque 2 heures. A un croisement nous rencontrons des jeunes enivrés qui commencent à courir derrière la voiture et à taper aux fenêtres, « Yovo, Yovo » : l’accélérateur a raison de leur liesse, sans doute peu dangereuse mais pas très rassurante quand même. Nous croisons quelques camions borgnes (un seul phare suffit !) roulant à vive allure. Nous nous rangeons à chaque fois précautionneusement sur le bord de la chaussée. Berthille somnole mais la douleur persiste et l’empêche de prendre un vrai temps de repos.
Arrivés à Affagnan, nous nous attendons à un accueil chaleureux, à une prise en charge des plus correctes. L’hôpital Saint Jean de Dieu est connu dans toute l’Afrique de l’ouest côtière. Il est tenu par des frères italiens. Berthille a toujours aussi mal. Nous entrons enfin dans les urgences de cet hôpital après que l’infirmier de garde se soit réveillé ! Le tableau d’appendicite se confirme : une fièvre à 38,5° malgré l’injection d’antibiotique faite deux heures plus tôt vient compléter les signes déjà présents. Le chirurgien est appelé : il vient examiner Berthille : des radios sont réalisées. Là encore des signes radiologiques d’occlusion renforcent les arguments pour une appendicite. Comme d’habitude en Afrique, on nous demande une avance pour les frais d’hospitalisation : 150.000 Fcfa. Heureusement, nous avions fait un retrait d’argent à Cotonou 48H00 auparavant. Une fois la somme prélevée par l’infirmier, je comprends que le chirurgien va repartir chez lui car il est gynécologue, ce n’est pas lui qui réalise ce type d’interventions… Je demande si le chirurgien viscéral va venir. La réponse est floue… Nous sommes au cœur des fêtes de Noël et il n’était pas là la veille… Est-il parti prendre quelques jours de congés ?
Le chirurgien est reparti, Berthille est dans une chambre de la partie « clinique » de cet hôpital : elle n’est donc pas dans la salle commune mais dans une chambre à deux lits avec salle d’eau… Il est 3H00 : un nouvel antibiotique intra veineux est administré en complément de celui qui avait été fait à Kouvé… Le choix de l’antibiotique est bon, mais il me paraît inquiétant qu’ils tentent de refroidir une nouvelle fois l’appendicite : essaient-ils de temporiser parce que le chirurgien viscéral est absent ?
Puisque nous avons maintenant tous les arguments diagnostiques, il est temps d’appeler notre assistance santé internationale. Fidesco nous a remis une carte avec un numéro d’appel 24H/24. Nous sommes rapidement pris en charge par une permanencière qui note tous les éléments. Dix minutes plus tard un médecin régulateur me rappelle : il a pris la situation en main, un dossier est ouvert. Il me demande un peu de patience, il doit encore prendre contact avec un médecin togolais qui est le contact sur place de la société d’assurance. Deuxième appel assez rapidement : le médecin togolais nous demande de nous rendre si possible sur Lomé où deux cliniques sont agrées pour la prise en charge internationale lors de ce type d’assistance. Le médecin togolais doit encore rappeler l’assurance pour dire vers laquelle de ces deux structures nous devons nous rendre…
Reste à récupérer une partie de l’argent laissé en caution… En effet c’est une caution pour le prix de la chirurgie qui a été laissée à l’entrée, si nous repartons, il n’y a aucune raison de laisser une telle somme derrière nous. D’autant plus qu’il ne nous restera pas grand-chose en cas de problème… Les palabres commencent… Je me donne jusqu’à 6H00 du matin pour récupérer l’argent. En effet pour le moment, Berthille reçoit sa perfusion, il n’y a pas d’urgence, elle se repose et ce repos va lui permettre de voyager dans de meilleures dispositions au petit matin. En fait, nous serons prêts à partir à 4H45 après récupération des 2/3 de la somme versée. Nous repasserons une autre fois chercher le reste de cette somme… Nous avons récupéré de quoi assumer le coût des premiers soins dans un autre centre.
Cette fois nous partons vers Lomé, la route est toujours aussi mauvaise, mais Berthille, calmée par son repos et les injections d’antibiotiques est plus sereine et nous pouvons rouler un peu plus vite… Le jour se lève sur la brousse togolaise, les petites collines arbustives ont laissé la place à des étendues planes qui annoncent la mer… Au loin, dans le rougeoiement du soleil levant se détachent des troncs massifs qui donnent naissance à de toutes petites branches : des baobabs.
A Lomé, nous demandons notre chemin et trouvons très rapidement la polyclinique St Joseph. Un urgentiste prend rapidement Berthille en consultation. La fièvre persiste mais la douleur a diminué. A présent c’est surtout le côté droit du ventre qui fait mal… Berthille a repris des couleurs, le sommeil lors du dernier trajet n’était pas du luxe.
Nous gagnons une chambre d’hospitalisation, le bilan préopératoire est réalisé. Le chirurgien la programme pour le jour même. Berthille est opérée vers 13H00. Gaëlle en profite pour dormir tantôt dans la voiture tantôt sur un fauteuil dans la chambre de Berthille. Pour le moment, je ne dors pas…
« L’opération s’est bien passée. » Le chirurgien vient de sortir de la clinique à ma rencontre, il est souriant : c’était bien une appendicite franche.
Berthille se porte bien, le réveil s’est bien passé également, la douleur est supportable avec les médicaments. Elle a pu se lever 24H00 après l’opération. Marie-Aude est arrivée à Lomé pour le réveil de Berthille, elle est logée avec les trois plus petits chez les Sœurs de la Providence, des italiennes qui ont un noviciat. Nous voici prêts à rester quelques jours sur place en attendant que Berthille aille mieux...

Quatre jours plus tard, Berthille va beaucoup mieux, elle est sortie de la polyclinique aujourd'hui et nous sommes ce soir à Dogbo ! Berthille gambade déjà : il faut le freiner un peu pour éviter qu'elle n'en fasse un peu trop !
Berthille entre ainsi dans une tradition familiale de Noël : Marie-Aude a en effet passé quelques Noël à l’hôpital ces dernières années dont une fois pour l’appendicite en 2003 !

Nous apprenons beaucoup de nos mésaventures de santé... Nous partageons les difficultés d'accessibilité au système de soins... Pourtant, nous ne sommes pas en danger nous... en effet, nous avons la voiture qui nous permet de nous rendre facilement où il faut, nous avons l'assistance santé AXA internationale qui est vraiment très efficace, nous avons une réserve d'argent déblocable à tous moment si besoin... Bref nous sommes finalement plus riches que nous le pensions !
Mais au fait : joyeux Noël à tous.