mardi 23 février 2010

C2 Affi

C’est le nom d’une femme d’une cinquantaine d’année environ. Elle ne sait pas son âge en fait et personne ne le sait pour elle car elle n’a plus de famille. Ou plutôt sa famille ne veut peut-être plus d’elle.
En France la schizophrénie est une maladie psychiatrique terrible, malgré les centres de soins spécialisés les malades échappent parfois au suivi et au traitement et sont alors moins bien, souvent peu insérés dans la société. Certains au contraire ont un suivi régulier qui leur permet de conserver une insertion sociale, un travail et une santé relativement bonne.
Affi, elle, ne bénéficie d’aucune prise en charge, elle est connue à Dogbo pour être « la folle ». Probablement s’agit-il d’une schizophrène, encore que le diagnostic soit difficile à étayer avec certitude, mais ses délires sont souvent en Français et permettent de pointer des éléments diagnostiques. Affi marche pieds nus depuis des années, elle ne peut même plus mettre des chaussures, sandales ou tongs car ses pieds sont adaptés maintenant. Elle passe son temps à errer dans les vons, à accoster qui veut bien écouter ses « prophéties »… Affi est souriante malgré les moqueries et la population est relativement prévenante à son égard, personne ne penserait à lui faire du mal. Certains lui donnent à manger.
Mais depuis un mois, Affi reçoit des soins à l’hôpital, elle a de profondes plaies des deux pieds. En fait elle est diabétique et il nous faudrait traiter son diabète pour espérer la voir guérir. Mais pour le traiter il faut prendre des médicaments trois fois par jour, elle n’est pas capable de le faire et elle ne peut pas rester en permanence à l’hôpital… Il n’y a pas de structure d’accueil pour les malades psychiatriques dans la région, et de toute manière elle refuse toute prise en charge de ce côté-là. Elle va donc continuer à errer dans Dogbo, attendant avec le sourire une mort qu’elle ne sent pas encore venir mais qui ne saurait tarder tant ses plaies s’aggravent rapidement. Le problème n’est pas le coût du traitement, nous avions vu avec le directeur que cette patiente indigente nécessitait des soins gratuits. Le problème c’est la solitude de cette femme différente.
La solitude est une réelle pauvreté qui prend dans chaque société une forme différente. Par une visite, une prière, des attentions, nous pouvons chacun où nous sommes offrir un temps à des personnes qui vivent cette pauvreté.

C1 Coupures

Depuis bientôt deux mois les coupures d’électricité sont quotidiennes. Au début elles duraient quelques minutes, puis quelques dizaines de minutes. Bientôt le décompte se fit en heures. Mais depuis dix jours, l’électricité se fait vraiment rare… Cette semaine nous avons eu des périodes de coupure de plus de 24 heures, nous avons dû faire le vide dans le frigo : nous nous sommes bien régalés… Pour un début de carême ce n’est pas très providentiel ! Mais comment laisser fondre le chocolat, le beurre et… et c’est tout en fait parce qu’il ne faut pas imaginer non plus un frigo rempli ! Nous ne pouvons plus faire de yaourts car la yaourtière nécessite de fonctionner 8 heures d’affilée, or nous n’avons jamais l’électricité plus de 5 ou 6 heures de rang !
Voilà aussi pourquoi nous ne pouvons pas envoyer d’articles sur le blog, sans électricité pas d’ordinateur (batterie trop ancienne) ni d’Internet.
Depuis ce midi, la situation s’est à nouveau compliquée. Il n’y a plus d’eau au robinet ! Coupure d’eau et d’électricité : c’est une équation qui aboutit au bout de quelques heures à une situation de crise, il fait chaud, les corps sont humides en l’absence de ventilateur et de douche. Heureusement, la semaine dernière quelqu’un nous avait prévenu, quand les coupures deviennent aussi fréquentes il faut s’attendre à ne plus avoir d’eau dans quelques jours. Ainsi prévenus nous avions avec l’aide du Père Jean, le directeur de l’hôpital, rempli le château d’eau qui surplombe la salle d’attente de plein air, nous bénéficions d’une réserve qui devrait durer quelques jours.
Mais pourquoi autant de coupures ? La situation est simple. La production électrique en Afrique de l’Ouest est principalement hydraulique, des barrages coupent les fleuves Niger (au Nigeria), Mono (au Bénin) et le Lac Volta (au Ghana). A la saison des pluies, le niveau d’eau permet une production électrique pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest Côtière. Mais deux problèmes se posent : il n’y a pas de mise en réserve de l’électricité (ce qui n’est pas quelque chose de simple à réaliser, il est plus facile de stocker la réserve d’eau) et surtout en fin de saison des pluies le niveau d’eau est tel que des crues importantes empêchent certaines populations de rester dans leurs maisons, les barrages sont ouverts et la réserve d’eau est ainsi rejetée dans la mer alors que la saison sèche s’annonce… Au cours de la saison sèche, les coupures deviennent de plus en plus fréquentes et le prix du KWH augmente de 50 à 100 % selon les pays ! Le Bénin produit très peu d’électricité, il en achète au Ghana et au Nigéria. En période sèche, ces pays se réserve l’usage de leur production et le réseau électrique béninois est obligé d’alléger sa consommation : des délestages sont ainsi organisés qui touchent plutôt les zones rurales, la capitale est moins touchée. En mars il va commencer à pleuvoir, mais le niveau d’eau va-t-il revenir rapidement au seuil permettant la production électrique ? Nous ne le savons pas, car chaque année est différente. Or l’année en cours semble particulièrement dure, des coupures aussi longues n’ont pas été vues à Dogbo depuis 5 ou 6 ans.
Dans ces périodes de coupure, c’est une grande partie de l’économie qui s’arrête. Les soudeurs, les mécaniciens, les menuisiers, les buvettes, les vendeurs ambulants de boissons glacées, le bloc opératoire, le cybercafé, l’imprimerie, tous sont contraints au chômage technique (qu’on appelle ici la sieste…)
En Europe, on ne se rend vraiment plus compte de ce luxe que d’avoir l’électricité et l’eau en permanence !

C0 Cendres

Le Carême débute à Dogbo comme ailleurs. La messe des Cendres hier soir s’est déroulée en partie dans l’obscurité, la coupure de l’électricité survient chaque jour pendant de nombreuses heures, elle nous permet d’apprécier le confort que nous avions en Europe où les coupures sont rarissimes, souvent programmées et peu prolongées.
Voici un extrait de Parole de vie, un missel africain (comme Prions en l’Eglise ou Magnificat) : « C’est le Carême, un temps de prière, de pénitence et de partage ; un temps pour s’asseoir et faire le point en vue d’un ressaisissement, ou mieux d’un changement de cap. » Les lectures du jour des Cendres nous éclairent sur ce temps, dans la première lecture : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (Livre de Joël, 2, 13). Le Carême n’est pas une démarche visible, c’est avant tout une démarche dans le secret des cœurs.
Durant ce Carême nous avons l’ambition de vous proposer une série de témoignages, de portraits, de situations qui mettent en relief la pauvreté telle que nous la voyons autour de nous, telle que nous la vivons un peu parfois nous-même. Ceci non pour s’apitoyer mais plutôt pour rendre grâce pour les richesses que nous avons et dont nous ne nous rendons même plus compte. Pour peut-être apprendre un peu à nous détacher de certaines de ces richesses qui ne sont pas nécessaires à notre bonheur. Le but du Carême n’est pas de foncer tête baissée dans la pauvreté car la pauvreté n’est pas une bonne chose pour l’homme, mais la richesse ne crée pas le bonheur non plus. Le but est peut-être de toucher du doigt la pauvreté par pure compassion afin de s’ouvrir à la dimension du partage et de la charité (au sens chrétien du terme, à savoir l’amour de son prochain). Cette démarche fait appel à trois piliers pour le Carême : la prière, l’attention aux autres, le jeûne (qui ne concerne pas seulement l’alimentaire). Bon Carême.
Bertrand et Marie-Aude
NB : les messages de ce parcours « Carême » seront précédés de la lettre C et d’un numéro d’ordre. Ces messages paraîtront au gré des possibilités de connexion Internet ! Il peut donc y avoir plusieurs messages le même jour…

jeudi 11 février 2010

- 1

49°, - 1... Une fièvre des mathématiques s'empare-t-elle de la famille Devaud ? Ou bien une glaciation se produit-elle en Afrique actuellement, la température passant brutallement de 49° à une température négative ?

- 1 c'est juste le décompte des volontaires de Dogbo... Anne-Sophie s'est envolée cette nuit du 10 au 11 février vers la France, elle va rejoindre Bordeaux pour y retrouver famille et amis après une année à l'hôpital St Camille. Anne-So est infirmière pour ceux qui n'auraient pas intégré sa présence. Elle était arrivée en mars 2009, elle repart donc après quasiment une année de mission à Dogbo, en effet elle a choisi de faire un contrat court, c'était donc décidé ainsi dès le début.

Nous restons donc trois volontaires, Marie-Ange qui loge sur l'hôpital mais qui n'y travaille pas (elle est sur deux autres centres de soins), et nous deux...

Nous souhaitons à Anne-So un bon retour, elle en a tant rêvé !


dimanche 7 février 2010

49°

C'est la température enregistrée au soleil aujourd'hui à l'heure la plus chaude ! Pas question d'agrémenter la journée par une promenade dominicale... Nous n'avons rien fait, et nous en avons été heureux ! Seule Berthille a fait du travail de classe. Mais à l'ombre et sous le ventilateur.

Il nous semble que nous avons atteint le point le plus chaud que nous n'avions jamais eu jusqu'à présent et il n'y aura sans doute pas plus chaud que ça... Ouf ! Si on dépasse 50, ça vaudra un post d'information "édition spéciale".

Bon dégel à vous tous en France (ou ailleurs en Europe). Vive le givre !

mercredi 3 février 2010

Le FABER

Allez, un petit post médical, une fois n’est pas coutume… Le FABER n’est pas une pathologie, ce n’est pas un instrument, ce n’est pas une découverte, c’est juste une petite astuce pour pallier des problèmes d’approvisionnement… Explication.
Le problème des candidoses buccales (un champignon dans la bouche, sur la langue et le fond de gorge) est assez important dans la zone où nous sommes. Pour l’expliquer, plusieurs facteurs : les malades du SIDA y sont très sensibles, les enfants qui mangent trop de sucreries (à la vente à la sortie de l’école), les adultes dont l’état dentaire est déplorable (absence de soins dentaires et consommation de sucreries en tous genres), les personnes âgées…
Pour soigner les candidoses simples, il existe des tas de produits en France, pas très accessibles financièrement ici… Dans les unités d’hospitalisation les soins de bouche au Bicarbonate de Sodium sont très fréquents et très efficaces. Mais les flacons de Bicarbonate de Sodium sont difficiles à trouver ici à Dogbo, et même à la capitale ils coûtent très cher (2500 Fcfa en moyenne) et l’approvisionnement n’est pas régulier.
Face à ce problème, j’ai rencontré Fabrice, le jeune pharmacien de Dogbo. Fabrice est frais émoulu de la première promotion de pharmaciens formés au Bénin. Il a fait six mois dans un hôpital français en stage de fin d’études et complète sa formation actuellement en côte d’Ivoire par un module de parasitologie. Nous nous entendons vraiment bien et sommes sur la même longueur d’onde afin de rechercher des solutions économiques pour les patients afin d’en soigner le plus grand nombre.
La solution trouvée est la suivante : Fabrice fait une préparation magistrale selon le cahier des charges que j’avais établi. Le produit n’est pas révolutionnaire, c’est toujours du Bicarbonate de Sodium en concentration à 14 pour mille. Ce qui est original c’est la présentation en flacon pour bains de bouche (même en France ça n’existe pas à ma connaissance) avec un volume assez faible pour éviter les contamination du flacon par une utilisation prolongée. Le FABER était né (c’est plus court que d’écrire Bicarbonate de Sodium à 14 pour mille à chaque fois !
Maintenant reste à savoir dans combien de temps il y aura du faux FABER à vendre sur le marché : ça va être intéressant de constater le temps d’adaptation des marchands de faux médicaments !


Longue vie au FABER !

Petit jeu (simple) : une bouteille de FABER offerte (mais non livrée) au premier qui trouve l'éthymologie du FABER !