jeudi 10 septembre 2009

Débuts à l'hôpital

Il y en a peut-être qui se disent qu’on se la coule douce… Un vrai camp scout ! Les Devaud sont en vacances… Non ! Rentrons dans le vif du sujet...
Depuis lundi Bertrand travaille à l’hôpital. Il y aurait beaucoup à dire sur l’hôpital, son histoire, les raisons qui ont amené l’évêque à faire appel à Fidesco pour envoyer un médecin et une infirmière. Pour accomplir des soins certes mais pas seulement. Il est encore trop tôt pour vous partager ce que nous ressentons et comprenons sur ce point car la situation n’est pas toute simple et nous travaillons sur le passé de cette structure de soins créée en 1976 qui a été un des fleurons de la médecine et de la chirurgie béninoise. Pourquoi ferme-t-il ses portes en 2004 pour renaître de ses cendres en 2006… Pourquoi les autres hôpitaux camilliens du Bénin n’ont pas subi le même sort ? Nous sommes en contact avec plusieurs personnes qui connaissent bien cette histoire et certaines l’ont même vécue : nous les rencontrerons sans doute dans les prochains mois. Comprendre la chute nous permettra sans doute d’accompagner au mieux la renaissance.
L’activité se partage entre la médecine (Bertrand) et la chirurgie (Père Nazaire AFOMASSE). Pour le moment Nazaire fait du compagnonnage : comment soigner telle pathologie avec la pharmacie disponible sur place ? Il est des choses qui paraissent impossibles et pourtant il s’opère une médecine finalement très adaptée… Les premiers chocs : aucune forme pédiatrique pour les médicaments, le Paracetamol 500 se fractionne très bien en quatre pour être écrasé dans une bouillie de maïs… Pour les vomissements le Metoclopramide se découpe en 4 également !
Nous sommes en fin d’épidémie palustre : toute fièvre de l’enfant est un palu qu’il convient de traiter sans même de confirmation biologique (directive du ministère de la santé). Un petit test de 24H00 a permis de confirmer que la consigne est bien justifiée : toutes les fièvres d’enfants étaient des palu !
La consultation nous permet de détecter les cas les plus graves que nous hospitalisons. Les anémies profondes qui nécessitent des transfusions sanguines (le palu donne une anémie par « explosion » des globules rouges), les fièvres qui donnent des convulsions, les enfants qui vomissent trop pour manger et donc avaler les médicaments (pour ceux-là une perfusion de 24H00 suffit à les remettre sur pieds). Et puis il y a les paludismes graves (qui peuvent cumuler tout ce qui est décrit ci-dessus…
Je croyais bien être face à un paludisme grave mardi après midi : une fillette de 3 ans arrive. Etat de convulsions répétées, vomissements depuis trois jours, ce jour c’est du sang qu’elle vomit. Médicament pour combattre le palu, la fièvre, les convulsions… Mais l’état s’aggrave très rapidement. La fillette ne peut plus ouvrir la bouche… Même l’abaisse langue se casse tellement elle serre. Il me semble qu’elle fait une convulsion prolongée (état de mal convulsif)… Je ne comprends pas, ce n’est pas logique vu ce qu’elle a reçu comme traitement. Le Père Nazaire arrive, en trois coups de cuillère à pot il rétablit le bon diagnostic. TETANOS ! Jamais vu ça de ma vie. En France on vaccine chaque enfant dès l’âge de 1 mois (sauf les quelques réfractaires aux vaccins qu’il faudrait amener ici pour leur faire comprendre leur chance de pouvoir refuser le luxe de la santé !) et on ne voit quasiment jamais de tétanos. Le corps devient de bois, les muscles se tendent jusqu’à ce que les muscles respiratoires soient touchés puis c’est la mort par asphyxie. Il faut intuber (vous savez le tube pour respirer artificiellement) et mettre l’enfant en réanimation, pronostic : 40 à 50 % de décès. Enfin, ça c’est la prise en charge et le pronostic en France. Ici pas de réa… Même à Lokossa… Pourtant le Père Nazaire propose aux parents d’aller à Lokossa car il y a un pédiatre… L’enfant est déjà raide, regard vide, mais bien vivant, les parents ne comprennent pas tout (moi non plus ils parlent Adja avec l’abbé) : ils décident de partir sur Lokossa… en mobylette. Je ne m’y oppose pas, je viens d’arriver, il a l’habitude, je n’ai même pas été fichu de faire le diagnostic… Je ne vais pas lui dire en plus ce qu’il faut faire ! Pourtant je suis choqué : il me semble qu’on peut faire différemment. Mais les parents de l’enfant sont vraiment sur la même longueur d’onde que le Père et il me semble alors que le fossé entre nous est encore vraiment infranchissable…
Pour le moment pas de nouvelles de l’enfant… J’ai demandé au père Nazaire si on pouvait téléphoner mais nous n’avons pas pris le temps et je n’ai pas le numéro (oui, il n’y a pas vraiment d’annuaire ici !)
Vous comprendrez aisément qu’il n’y ait pas de photo directement associée à cet épisode, pourtant voici ci-dessous une photo de notre « petite » pharmacie familiale qui est pratiquement aussi fournie que celle de l’hôpital (car vous ne voyez pas la profondeur : multipliez ce que vous voyez par deux ou trois) ! Nous avons même de quoi perfuser des antibiotiques à domicile… Quel grand écart !

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