samedi 5 septembre 2009

La voiture

Choisir une voiture au Bénin n'est pas une chose aisée. Pourtant il y a du choix car Cotonou est une véritable plateforme d'importation des vieux véhicules européens, parfois accidentés et en tous cas toujours assez vieux pour inspirer la méfiance...

La semaine dernière on nous a présenté trois véhicules de plus de 20 ans... Des voitures solides mais usées à la corde... Plusieurs tours de compteurs et des fuites un peu partout...

Cette semaine nous avons rencontré un garagiste français qui nous a dégotté une voiture arrivant directement d'Europe, non accidentée et plutôt en bon état pour ses 192000 Km... Pour les connaisseurs un Mitsubishi Pajero 2,5 L Turbo Diesel Intercooler... C'est bien, pas trop cher en entretien et ça consomme peu à côté des V8 et V6 qu'on nous présentait jusqu'à présent. Une voiture pas trafiquée, la peinture est d'origine et les longerons sont encore propres. Pas une seule fuite d'huile. Le moteur est propre (comprendre par là qu'il n'a pas été démonté, donc il est complet !)

Il a fallu prendre une décision ce vendredi matin... OK, on achète. Le vendeur demande 6,5 millions de Fcfa. Nous baissons à 4,8... Finalement l'affaire se fait à 4,5 avec une com' de 50 sacs pour un rabatteur du port de Cotonou... (NB : 50 sacs = 50.000 Fcfa = 80 €)

A 11H30 il nous faut donc trouver 4,5 millions de francs CFA en espèce et rapidement (l'affaire doit se conclure dans la journée afin d'éviter que la voiture reparte sur le port où elle risque de se faire piller). Le garagiste nous donne 2 adresses : une droguerie et un magasin de fournitures de bureau. Les tenanciers sont intéressés pour prendre des chèques en euros et changer pour du CFA sans commission. En effet nos comptes africains ne sont pas encore activés et les transferts de fonds sont lents... La droguerie ne pratique plus ce trafic... Je me rends (c'est Bertrand seul qui dirige la suite de l'opération) donc à l'autre magasin : le patron est libanais, il me reçoit dans son bureau... Après quelques minutes d'explications, il semble avoir confiance et téléphone en anglais à un ami indien. Je dois me rendre à l'autre bout de la ville dans un quartier nommé Missebo et trouver une superette où il faut parler au patron... Pour le moment je ne sais pas que ce quartier est le quartier chaud de Cotonou... C'est là qu'on fait les "affaires".

Sur place, le caissier de la superette me fait patienter derrière un rayon, vérifie ma carte d'identité, téléphone... Attente... Il vient me rechercher, nous sortons pour emprunter une ruelle à côté du magasin... Des mendiants dorment d'un oeil à l'ombre des murs... Une activité commerciale parallèle se joue ici, des petits groupes de trois ou quatre personnes semblent très animés... Nous entrons à l'arrière du bâtiment par un escalier, sur le pallier encore des mendiants sur une couchette de carton... Deuxième pallier : une vieille porte... Nous entrons... Ensuite porte blindée, digicode... Nous entrons dans un bureau ultra moderne, nombreux ordinateurs, posters des cargos Mittal, photos India Incredibile ! Nous sommes en Inde mais au Bénin. On parle Anglais. Je vois le patron dans son bureau, il est en rendez-vous avec un béninois... Quelqu'un contrôle à nouveau mes papiers, me fait signer et compare ma signature avec celle de la carte d'identité... Questions... Ils ont peur de se faire rouler (si je fais un chèque en blanc) et moi je me demande comment je vais redescendre avec 5 millions dans les poches (7600 € quand même) au milieu des mendiants et loubards du quartier... Trois quarts d'heure se passent entre questions, photocopie des papiers d'identité, etc. Le patron vient, il s'entretien en Hindi je pense avec le caissier... Me pose encore quelques questions... Le chèque est fait. Il tape sur la table et un gars apporte les liasses. Je compte. C'est bon... Mais d'où vient cet argent... La superette ? Peu probable...

Maintenant il faut sortir... Je passe la porte blindée : il y a trois escaliers ! Heureusement la porte n'est pas encore fermée, je demande... -"A droite" -"Merci"

Toujours les mendiants. Pas d'aggressivité. S'ils bougent, ils risquent gros : les voleurs sont brûlés sur place dans des pneus qui fondent sur eux jusqu'à l'asphixie... En bas, une bonne surprise, Maxime, le chauffeur de Donatien, a déplacé la voiture et l'a garée à côté de la porte de derrière, je m'engouffre, nous partons, je respire...

La voiture est maintenant achetée, nous l'avons pour le WE et nous la rendons au garagiste pour une semaine le temps de faire quelques révisions et la mutation de l'immatriculation pour qu'elle soit dans notre nom.

Dans ces conditions, l'argent a une autre valeur. La liasse a cet intérêt sur le chèque de matérialiser la somme en terme de volume. Les conditions locales permettent également de se rendre compte de ce différentiel nord sud. La somme que je portais correspondait à 20 ans de SMIC local !!! certains pouvaient être tenté de risquer les pneus fondus pour ce pactole... Quant à l'origine de ces billets, nous ne la connaissons pas. Je n'y ai pas pensé avant d'avoir la somme, pris dans le stress d'obtenir les billets...

Nous avons la voiture, elle est confortable, dans le budget prédéfini. Les enfants sont contents car il y a des accoudoirs escamotables à l'arrière (il en faut peu pour être heureux !) et un toit ouvrant panoramique. Nous sommes contents car elle consomme peu et est en bon état. A nous les routes et les pistes.

5 commentaires:

  1. Quelle histoire, on se croirait dans un bon polar !
    A te lire, on a l'impression de vivre cela avec vous, stress compris ! Il va falloir penser à mettre un copyright sur ton blog car un livre édités à partir de vos aventures béninoises va s'arracher comme des petits pains et nous rapporter gros!!!
    Cécile et Frédéric

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  2. Une pensée à toute la famille de la part de la Catherine,Eric, Luc, François et Martin depuis Mesnil-Esnard ! J'ai parcouru votre blog avec plaisir... Nous vous souhaitons de faire de belles rencontres...

    Je vous embrasse au nom des miens. Catherine (cousine de Marie-Aude)

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  3. Bonsoir à vous tous,

    Merci de nous faire partager vos impressions et surtout émotions. C'est vrai que l'on vit avec vous ce que vous vivez surtout concernant l'achat de votre voiture.
    C'est ça l'Afrique!!!
    Nous te souhaitons Bertrand en ce jour une très bonne fête.
    Promis, on vous enverra une photo de famille.
    Nous vous embrassons bien affectueusement tous et nous pensons très souvent à vous.
    Merci pour votre blog.
    Alice et Ghislain.

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  4. Bonne fête Bertrand! Attention, ne te prends pas pour Indiana Jones (il a copié?)
    On sent que l'imprégnation béninoise fait son travail. Avec la vidéo, ça fait encore plus vrai (mais aussi bravo pour le style épistolaire, au passage; si si, vraiment...)
    Françoise

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