vendredi 30 octobre 2009

Pour quelques gouttes d'or noir



Quel lien entre ce Playmobil et le titre du post ? Effectivement ce n’est pas évident au premier abord… Certes les figurines en plastiques sont fabriquées à base de pétrole mais ce n’est pas pour le Playmobil que le titre a été choisi. La figurine illustre de manière efficace une image que nous ne pouvons vous montrer mais qui reste gravée à jamais dans nos mémoires…
Comme vous le savez, nous sommes allés à la frontière Bénin/Nigéria pendant quelques jours. Le Nigéria est un pays producteur de pétrole, un pays qui pourrait être le plus riche d’Afrique… Mais la corruption et les trafics en tout genre en ont pour le moment décidé autrement. Ce pays potentiellement locomotive de l’Afrique n’est finalement que le tender qui fournit de l’essence à ses voisins parfois sans passer par la douane. Les trafiquants sont nombreux et les mailles du filet assez lâches pour permettre la mise en place d’un business, sans doute lucratif mais très dangereux. Ainsi on peut voir rouler des mobylettes chargées de bidons d’essence, mais comme le porte-bagages n’est pas suffisant les conducteurs s’attachent des bidons tout autour du corps : une poudrière roulante !
Ce mercredi matin, nous roulions entre Onigbolo et Pobè quand un attroupement au bord de la route nous a forcé à ralentir, passant à vitesse réduite nous avons d’abord vu de loin une carcasse de moto calcinée, et très rapidement nos yeux se sont arrêtés sur ce corps calciné, resté en position de conduite, tel une figurine articulée, raide, déposé sur le dos au bord de la route, les jambes liées en l’air, les bras semblant encore accrochés à un guidon imaginaire, les entrailles surgissant de l’abdomen éventré par le feu, la peau cramoisie et recouverte de plastique brûlé, le regard à jamais figé vers le ciel dans une expression crispée témoignant de l’horrible souffrance du brûlé vif… Il était là au milieu des badauds et des gendarmes, personne n’osait toucher à ce corps pourtant mort depuis plusieurs heures (nous avons rencontré ensuite plusieurs personnes passées une à deux heurs avant nous et qui ont été témoins de la même scène). Quelques litres de pétrole, quelques milliers de francs cfa (quelques dizaines d’euros) ont justifié une telle prise de risque. Ce type d’accident est fréquent… On nous l’avait raconté, mais le voir de ses yeux est vraiment différent ! Aliénor et Louis-Baptiste n’ont vu que la moto… Berthille a vu un monsieur qui attendait un médecin, elle n’a heureusement pas demandé si papa allait s’arrêter pour lui porter secours, peut-être avait-elle eu le temps de voir et de comprendre plus que nous ne l’imaginons… et plus qu’elle ne veut bien nous le dire. Les enfants africains étaient à un mètre du corps, la mort ici est visible, palpable, par tous et pas seulement par les soignants, elle ne se vit pas de la même manière par l’entourage. C’est inexplicable, on ne peut que le constater et tenter d’apprivoiser cet aspect culturel très frappant.
Au-delà de la question culturelle autour de la mort, c’est la question philosophique de la valeur de la vie qui nous est renvoyée en pleine figure… et même si le jeu de mot est glauque, c’est la question de l’essence de l’être humain qui se pose à nous par ce fossé culturel. Nous sommes encore loin d’être inculturés…

1 commentaire:

  1. Je crois au contraire que tu es parfaitement inculturé.
    Ce que tu vois dans ce "prix de la vie", ou amour de la vie, de la sienne est des autres, le tout dérisoire, dans cette prise de risque insensée n'est rien par rapport à ce que nos vies occidentales. Rien que pour l'essence, au sens hydrocarbure, quelle risque prenons-nous, et faisons-nous prendre aux autres ? En Irak ? ou au Nigéria, en Centre Afrique... Pour du minerai, pour du gaz, des pierres précieuses ?
    Les guerres, les putschs et autres horeurs, les morts directs et indirects sont du même tonneau que l'infortuné en mobylette.

    Les quelques francs CFA se transforment en billions de Dollar.

    La conséquence sur les autres et nous-même est à la même échelle.

    Le plus grave, c'est que nous n'en rendons pas compte.

    Merci de m'avoir ouvert les yeux.

    SP

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